AIT SAADA, mon village natal

AIT SAADA, mon village natal

Récits et Images de la lointaine Kabylie ou les Chroniques d'un terroir déchiré entre traditions et modernité.


Assegas amegaz 2966

Publié par Idir AIT MOHAND ou Matricule S/5341 sur 21 Février 2016, 20:55pm

Assegas amegaz 2966

Par un jour ensoleillé de février, une vieille paysanne lança une boutade à l’adresse d’un mois de janvier plutôt froid et neigeux : va te faire voir « Tonton Yennayer », mes chevreaux sont sortis aujourd’hui !

Janvier qui n’avait que 30 jours, ayant été vexé par l’attitude de la vieille femme, pria février de lui prêter un jour pour laver l’affront. Aussitôt dit, février s’amputa d’une journée et l’offrit à janvier qui, en un laps de temps, tourna en une bourrasque qui eut raison des biquets.

Cette fable, bien de chez nous, citée par Api (l’abeille du Djurdjura) lors des dernières neiges, remonte au calendrier agraire bien calculé par les Berbères au temps des Pharaons. Cette journée de tempête qu’on appelle « Amerdhil », c’est-à-dire « l’empreint », est toujours d’usage dans le calendrier amazigh dont le 1er jour de l’An correspond au 12 janvier du calendrier universel.

Mon propos n’est pas de revenir sur la légende de la vieille en ces journées d’hiver, ni sur le nombre de jours que comptent les différents calendriers, mais de rappeler que le calendrier agraire du peuple amazigh est le plus juste, car calqué sur la nature même. Nos décades, nos mois et nos saisons, pour les initiés, témoignent de la précision de ce calendrier qui remonte à l’époque du roi berbère Chachnaq.

Nous sommes loin des différents calendriers romains qui avaient subi des réformes successives, loin de la correction du calendrier Grégorien, très loin du calendrier hégirien qui boucla la boucle sur les Amazighs, nous sommes en 2966 avec presque un millénaire d’avance sur certains peuples dits civilisés et plus d’un millénaire et demi sur les peuples dits élus par Dieu.

Le peuple amazigh était monté si haut que sa chute fut proportionnelle à son ascension lors de la signature d’un pacte contre-nature avec les Arabes. Avant que  les Gaulois ne se décident à quitter le pays et de rendre à César ce qui appartient à César, il y avait et ils y sont toujours, les ancêtres arabes qui nous ont bernés d’une façon magistrale jusqu’à nous faire renier nos vrais ancêtres.

Les amazighs qui savaient si bien gérer leur espace-temps, étaient pris au piège et ne purent se dégager des rets où ils étaient pris pour toujours. Le filet était divinement tissé et les quelques tentatives esquissées çà et là pour y échapper n’auront servi à rien.

A l’époque de la pensée unique, on fêtait en cachette yennayer, car les décideurs avaient interdit  toute notion pouvant rappeler l’existence du berbère. Mais depuis l’ouverture du champ médiatique qui s’est faite au forceps, la célébration du jour de l’An amazigh, bien qu’il ne soit pas du goût des partisans du panarabisme, ne passe plus inaperçue. La reconnaissance de la langue berbère à travers le monde a contraint nos arabophones à tolérer, bien malgré eux, cette vérité identitaire qu’ils rejettent totalement en faveur d’une fausse identité.

De cette contradiction, sont nés tous les malaises que notre pays ne cesse de comptabiliser. D’autres peuples ayant connu des civilisations dans le passé, ont souffert des mêmes maux engendrés par des pensées imposées ou suggérées par des conquérants de l’esprit. Pris au piège par les discours des dominateurs, ces peuples n’avaient d’autres choix que de valider le réquisitoire qui leur était présenté.

Des calendes grecques au calendrier fictif de Saint-Glinglin pour renvoyer à plus tard, voire à jamais, l’accomplissement d’un événement, tous les comptes sont bons selon les intérêts des tenants du pouvoir. Chez nous, deux calendriers officiels sont en usage et le troisième qui ne sent pas l’odeur de sainteté chez nos dirigeants, attend d’être homologué. Mais, c’est méconnaître ceux qui essayent d’étouffer à n’importe quel prix la progression du fait amazigh, que d’espérer un nouveau concept qui remettrait en cause une certaine doctrine.

N’en déplaise à tous les détracteurs d’une évidence certifiée, la langue amazighe a rejoint ses congénères dans le système d’exploitation du géant américain Microsoft. En s’opposant à l’intégration du tamazight dans Windows 8, le prince saoudien Walid Ibn Talal peut avoir le mérite d’avoir déclaré tout haut ce que pensent tout bas nos faux arabo-berbères d’ici et d’ailleurs. A moins d’être un  renégat, on n’abjure pas ses origines dont le légendaire et glorieux passé impose le respect et la considération qui lui sont dus. 

A l’occasion de ce 1er yennayer 2966, que faut-il dire à tous les amazighs du monde, sinon de souhaiter un retour express de nos valeurs et que notre culture, plusieurs fois millénaire, demeure.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :