AIT SAADA, mon village natal

AIT SAADA, mon village natal

Récits et Images de la lointaine Kabylie ou les Chroniques d'un terroir déchiré entre traditions et modernité.


Réflexion sur une décadence annoncée

Publié par Idir AIT MOHAND ou Matricule S/5341 sur 21 Juin 2021, 11:36am

L’Algérie, minée par les luttes intestines, est tombée dans une déliquescence d’où elle ne se relèvera jamais à cause d’une fatalité qui remonte à plus de 14 siècles.

Pour mieux comprendre la situation qui y prévaut, il faudrait faire une rétrospective et scruter notre l’histoire depuis la nuit des temps. Mais là, n’est pas mon propos car je ne suis ni historien, ni qui que ce soit pour m’autoriser à parler de notre histoire millénaire. Cependant, je peux toujours raconter un conte qui pourrait faire du bien là où ça fait mal en comparant l’Algérie à l’incurable lady dans une métaphore thérapeutique.

La lady est gravement malade, elle n’est plus qu’un corps agonisant sous le regard de ses enfants légitimes qui lui cherchent un remède pour tenter de la sauver. Dès lors, ils sortent par milliers avec l’espoir d’aboutir à une solution qui puisse soulager la mamie. Mais, le mal est si profond qu’il a fini par envahir tout le corps n’épargnant ainsi aucun organe. La crise de mysticisme de ces dernières décennies, a compliqué tout moyen de lutte contre ce haut-mal qui la ronge au plus profond de son âme. Usée par les invasions successives de virus et autres parasites qu’elle a eu à affronter, la lady n’est plus qu’une momie. C’est un bien triste destin que celui de cette mémère qui fut une déesse tant jalousée par ses congénères. Jeune et éclatante de beauté, elle régna sur ses biens répartis sur le vaste territoire Amazigh.

Très convoitée par des soupirants dignes de son rang, jalouse de sa beauté, elle rejeta toute alliance par crainte de perdre sa pureté. Mais le charme de son éclat, ne pouvait pas laisser indifférents les nombreux courtisans qui tentèrent d’obtenir ses bienfaits par tous les moyens. Parés de leurs cuirasses et utilisant bien des subterfuges afin de gagner sa complaisance, les prétendants qui arrivèrent de très loin se virent signifier une fin d’un non-recevoir par la dame aux attraits fascinants.

Elle était la reine des reines et ne pouvait, par conséquent, s’offrir au plus grand monarque qui soit, même si quelquefois la demande se fit avec insistance. Elle rejeta catégoriquement toute approche qui pouvait entacher sa grâce et son honneur de souveraine vénérée. Dès lors, toutes les démarches cessèrent jusqu’au jour où un malin ensorceleur, muni de ses amulettes, l’envoûta avec ses grigris.

Son stratagème s’avéra payant et la reine tant désirée, tomba sous le charme de ce nouveau venu qui lui fit signer un contrat d’alliance pour le meilleur et pour le pire. Bien qu’extralégal, ce mariage informel allait consacrer le couple dans l’ambiguïté totale. Et ce fut ainsi que la lady se vit abusée puis abandonnée par le déloyal charmeur après qu’il l’eut dépossédée de ses biens immatériels. Trahie et meurtrie, elle perdit son symbole puis, petit à petit, sombra dans la déchéance. Rendue vulnérable par ses déboires successifs, elle devint une dame de charme qui s’offrira au premier venu.

Depuis, bien des maquereaux firent leur apparition en s’imposant chez elle pendant un temps donné. Abusifs et outranciers, ces sadiques proxénètes n’hésitèrent pas à lâcher leurs fantasmes sur la pauvre malheureuse, lui faisant subir des tortures dont elle gardera les séquelles jusqu’à la fin de ses jours. Blessée, martyrisée, la lady ne sera plus qu’un spectre d’une dame aliénée.

Alors que sa fin approche, l’affligée lady, dans ses derniers soubresauts, semble faire un rejet catégorique des soins palliatifs que ses enfants légitimes tentent de lui prodiguer en criant leur douleur face à leurs frères ennemis qui font subir à la pauvre lady les pires abjections qui soient. Violée, possédée, abusée par ses enfants illégitimes qui font fi de l’inceste, la lady agonise mais n’a pas encore rendu l’âme. Jusqu’à quand tiendra-t-elle le coup face au totalitarisme de quelques renégats sans foi ni loi ? On ne saurait le dire.

Pour quitter la métaphore et dire clairement les choses, on peut affirmer que tous les maux de cette Algérie, sont liés à son identité falsifiée par les arabo-islamo-bassistes qui détiennent le pouvoir depuis 1962. La question est purement identitaire et rien d’autre.

En effet, il suffit de jeter un regard sur ce qui s’est passé depuis l’indépendance pour identifier les causes de notre déconfiture qui puise son fondement dans le rejet de l’autre. Le premier président  de la République Algérienne Démocratique et Populaire, porté au pouvoir par l’état-major de Boumediene par les armes, avait déclaré en tapant sur la table et répétant trois fois de suite : nous sommes Arabes !

Parmi les premières instructions de la RADP, le décret 62/63 interdisant toute boisson alcoolisée aux personnes de confession musulmane, c'est-à-dire tous les Algériens, annonçait la couleur d’une dictature sournoise. Ben Bella n’eut presque pas le temps de bien savourer son trône, qu’il fut déchu par Boumediene qui dirigea le pays d’une main de fer.

Le conseil de la révolution, né du parti unique dont le fameux slogan « par le peuple et pour le peuple », fut la période des interdits en tous genres :  l’interdit de penser, l’interdit d’être, l’interdit tout court. Deux jeunes sœurs, étudiantes à l’époque, avaient écopé de deux ans de prison chacune pour avoir détenu un cahier de brouillon sur lequel elles avaient transcrit l’alphabet Amazigh.

Pour contrecarrer le mouvement berbère naissant, Boumediene fit venir les frères musulmans des pays arabes pour professer leur doctrine à nos élèves. De cet enseignement, naquit une série d’événements incontrôlables que nous subissons encore aujourd’hui.

Chadli arriva en homme d’ouverture du paysage politique. La libre circulation (interdite sous Boumediene), le plan anti-pénurie, la constitution et la création de partis politiques, firent de lui le président libéral qui voulait donner l’exemple, allant jusqu’à raser sa moustache et recevoir la reine d’Angleterre. Quand il déclencha octobre 88, il signait sa démission et la fin d’un processus qui allait engendrer une tourmente dont la violence discrédita l’Algérie pour de bon.

Il est clairement dit dans la constitution de 1989 que la formation de partis politiques sur des bases religieuses (FIS), culturelles (RCD) et ceux ayant pris les armes après 62 (FFS), est interdite. Simplement, il se trouve qu’aucune charte, ni constitution ne sont respectées. Donc, ce qui devait arriver arriva et le FIS fera parler de lui.

Peu de temps avant que la terreur ne s’abatte sur tout le pays, une lueur d’espoir, vite dissipée, pointa son nez à l’occasion des premières législatives libres de 91. Le fameux raz-de-marée du FIS fut la surprise du vote, le premier du genre depuis l’indépendance. Eh bien oui, le peuple Algérien ne savait pas comment, ou ne voulait pas quitter son coin obscur dans lequel il fut séquestré depuis sa souveraineté confisquée. Sa cécité était si grave que voir le jour lui aurait été fatal.

Parmi les candidats de ma conscription, il y avait le professeur Daoud à qui j’ai donné ma voix, non pas à cause de sa coloration politique, mais à cause de l’homme digne d’un siège à l’assemblée. Cet éminent spécialiste en gastrologie, natif d’Annaba et candidat du FFS,  n’était pas à décrire. A côté de lui, il y a avait tout un choix à faire parmi les candidats et candidates démocrates, représentants de partis ou simples indépendants rompus à l’exercice politique.

Lors du dépouillement et à ma grande surprise, il ne sortait des urnes que Cheikh Achour, un imam qui n’avait aucune qualité ni connaissances en quelque matière que ce soit. A chaque bulletin tiré de la boite, l’assistance présente sur les lieux criait « Allah Akbar ! Dieu est grand ». A ce moment-là, j’avais compris que c’était foutu et qu’il ne valait pas la peine de m’attarder davantage sur les lieux. Ceux qui utilisaient le slogan « aliha nahya, aliha namout » (pour elle je vivrais, pour elle je mourrais), comprendre la république islamique, se sont convertis, quelques temps plus tard, en affairistes après avoir escroqué bien des gens.

Entre-temps, le train infernal s’était mis en route et rien ne pouvait l’arrêter. Le haut conseil de la sécurité orchestra la démission de Chadli et composa un haut comité d’état chargé de la gestion du pays. M. Boudiaf est alors rappelé pour assurer la présidence de l’Etat. Avec lui, l’espoir d’un redressement s’annonçait s’il n’y avait pas eu ce 29 Juin. Tout juste six mois après son arrivée, il fut assassiné en direct d’Annaba.

Donc, après cet épisode qui coûta la vie à un digne fils de l’Algérie et en attendant l’élection d’un nouveau président, une spirale infernale s’installa à travers tout le pays. Personne ne savait qui était qui et chacun se tenait sur ses gardes jusqu’à cette nuit où, ô miracle, l’Algérie retrouvait la paix pour un court moment. Vous l’avez compris, il s’agit de la nuit qui suivit le jour de l’investiture de Zéroual, fêté en grandes pompes par un populo en manque d’un pâtre.

Ce candidat de l’armée à qui on avait taillé un parti (RND) sur mesure, était sifflé partout où il passait lors de sa campagne électorale. Cela se passait en 1995 où mis à part le boycott du FFS, quatre candidats émergeaient pour les premières élections présidentielles libres de l’Algérie. Le PRA, le MSP, le RCD et le RND étaient dans la course au pouvoir. Bien entendu, le dernier mot revenait aux électeurs. Dans une société normale, il n’y avait pas de choix à faire, du moment que les candidats représentaient des courants bien distincts.

Nonobstant les balles assassines, les Algériens s’étaient rendus aux urnes et le vote se déroula sans dégâts. Les spéculations qui suivirent les résultats ne pouvaient en aucun cas, remettre en cause le plébiscite du RND avec un score percutant de 61,34%. Il fut suivi de loin par le MSP avec 25,38% puis du RCD avec 9,29% et enfin le PRA avec seulement 3,78%. Le RND avait cette grande marge qui le mettait à l’abri de toute contestation, d’autant plus qu’il était le fils légitime du FLN.

Quelque chose ne tournait pas rond, m’étais-je dit. Pourquoi et comment, les gens qui suivaient le RCD lors des marches organisées pour sauver le pays, firent volte-face le jour du vote ? A cette question, je m’étais amusé à reprendre les chiffres et à faire des comparaisons. Le RND qui avait obtenu 8,78% à Tizi-Ouzou et 9,23 à Bejaia, fiefs du RCD qui lui, n’avait eu droit qu’à 0,48% dans le fief du RND. En supprimant les résultats de la Kabylie à tous les candidats, le RCD n’arrivait même pas à la cheville du PRA. Par ce vote sanction, la majorité venait de confirmer ses affinités en dépit du bon sens.

Désolé de remettre sur le tapis ces chiffres qui ne veulent plus rien dire, mais c’est grâce à eux que j’ai pu me faire une idée de la composante Algérienne qui n’a pas fini d’estomaquer.

On y retrouve 55% d’opportunistes, 25% d’islamistes et 20% de démocrates. Combien sont-ils aujourd’hui, ces démocrates qui s’entêtent à mener un combat perdu d’avance ? Je ne saurais le dire, car beaucoup se sont exilés vers d’autres horizons plus accueillants.

De cette trilogie des trois frères qui se détestent mutuellement, il faut noter que l’opportuniste et l’islamiste seraient prêts à composer ensemble contre le démocrate. Tant que l’Algérien se recherche à travers des modèles importés pour se trouver une fausse identité, il n’ira pas loin. Le rejet de l’autre en est la cause profonde qui ronge ce pays. Pour l’instant rien ne permet d’espérer un quelconque changement qui irait dans le bon sens car nous sommes plus divisés que jamais. Nous ne sommes plus qu’un agglomérat d’individus, tout juste bons à servir de pions sur ce vaste échiquier qui représente l’Algérie.

Tous des Algériens et seulement des Algériens, sans appendices ni étiquette, comme cela se manifeste à travers les marches, ne suffit pas à remettre sur les rails le train Algérie. La seule et unique voie pouvant permettre à l’Algérie de décoller, c’est faire renaître le phénix de ses cendres, c'est-à-dire ressusciter la Numidie, d’où chose impossible car le phénix n’est qu’un mythe. Peut-être, diriez-vous, qu’il existerait une autre voie comme celle suivie par les Chinois qui, il y a cinquante ans, furent envahis par les mouches parce qu’ils avaient livré une guerre contre les moineaux qui picoraient leurs céréales. Aujourd’hui, ils sont sur Mars et dans l’espace pour narguer les Américains qui n’ont pas voulu de leur contribution à l’ISS.

A bon entendeur…

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