AIT SAADA, mon village natal

AIT SAADA, mon village natal

Récits et Images de la lointaine Kabylie ou les Chroniques d'un terroir déchiré entre traditions et modernité.


Signes des temps

Publié par Idir AIT MOHAND sur 13 Juin 2011, 10:56am

Catégories : #Mes articles

 

Par les temps qui courent, le prêche est devenu un sujet qui revient le plus souvent dans toutes les bouches. Dieu a dit … Qu’ils soient érudits ou ignorants, tout le monde ici se met dans la peau d’un dévot pour rajouter son grain de sel à un océan qui n’en a pas besoin. « Puisse-t-il être lavé de ses offenses avec de l’eau et de la grêle », disait le cheikh du village ! S’il est vrai que l’eau est source de vie, la grêle qui n’est autre que cet élément transformé, n’est pas souvent apprécié des paysans de chez moi à cause des dégâts qu’elle engendre. Par contre, la neige que nos aïeux assimilaient au meilleur engrais connu, est toujours la bienvenue.

Dieu merci, ce n’est pas cette substance qui est appelée par ailleurs « l’or blanc » qui manque à notre montagne. Après la saison hivernale qui nous a gratifiés de ce bienfait, nous voici en plein mois Juin et personne ne s’attendait à recevoir une désagréable surprise arrivant, sans prévenir, tout droit du ciel. Incroyable mais vrai, alors qu’il faisait beau temps à quelques encablures des lieux bombardés, le ciel était devenu sombre puis noir de colère, avant qu’il ne déverse une impressionnante quantité de grêle atteignant parfois la taille d’une balle de ping-pong. Une rafale de dix minutes a suffit pour mettre à sac quelques champs et bloquer les routes sur un périmètre bien circonscrit.

Je n’étais pas sur les lieux pour décrire très exactement la scène, mais j’imagine l’ampleur des dégâts pour avoir constaté, une semaine après, les résidus de cette grêle ainsi que l’aspect que présentent les pauvres arbres déshabillés de leurs feuilles. Dès lors, je me suis mis à prêcher comme tout le monde en répétant à quelques personnes de mon fief, la fameuse sentence : Maudit soit Satan le lapidé ! Sommes-nous devenus des adeptes du diable pour que Dame Nature nous bombarde avec des grêlons en plein mois de Juin ? Et pourquoi seulement quelques endroits sont touchés ? Yahia, l’artiste méconnu, me répondit que c’est notre comportement punissable envers la nature qui en est à l’origine.

Signe des temps ou avertissement, ce qui s’est passé doit donner à réfléchir. Malheureusement, il se trouve que toute la morale héritée de nos ancêtres, est mise de côté en faveur d’un nouveau mode de pensée qui est celui du commerce. Vendre n’importe quoi, quitte à vendre du vent, mais vendre toujours.

Lorsque l’arboriculteur n’aime plus ses arbres, lorsqu’il n’hésite pas à étêter un olivier séculaire devenu gênant pour le montage de son pesteux poulailler, il y a de quoi éprouver de la répugnance envers la chair de poulet. Mon ami l’artiste n’a pas hésité à chaparder à cet éleveur, un bout de cet olivier martyr pour lui redonner vie à travers un banjo. Le pari de Yahia, est de fabriquer des guitares du même bois d’un même arbre. Ce que l’artiste feint d’ignorer, c’est que, parait-il, la musique est inspirée du diable. Qu’à cela ne tienne, pendant qu’il essayait son banjo, je l’ai enregistré à son insu et lui ai demandé de photographier son œuvre. Suivre le lien pour entendre les gémissements de l’olivier séculaire. --> link

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