AIT SAADA, mon village natal

AIT SAADA, mon village natal

Récits et Images de la lointaine Kabylie ou les Chroniques d'un terroir déchiré entre traditions et modernité.


Ramadan ou le crime parfait

Publié par Idir AIT MOHAND ou Matricule S/5341 sur 13 Juillet 2014, 10:14am

Catégories : #Mes articles

Le diable, je suis bien obligé d’y croire car je le sens en moi ». Citation de Charles Baudelaire.

Cet esprit du mal, le plus souvent aux traits hideux et repoussants, redouble de férocité pendant ce sacré mois de Ramadan. Il faut le voir en pleine action dans une arène, menant sa corrida sans pitié. Respirant à plein naseaux, cornes aiguisées et sa queue en l’air suivie du geste de sa patte, il charge tout ce qui se présente devant lui.

Eh bien oui, je l’ai vu à l’œuvre et croyez bien que pour lui échapper, il faut bien plus que l’évocation : (أعوذ بالله من الشيطان الرجيم ) (maudit soit Satan le lapidé). En effet, j’ai cru qu’une astreinte hors du temps dans ma montagne de Kabylie, loin du bruit de la ville, loin d’Internet et de tout ce qui le compose, allait suffire pour me soustraire à ce génie du mal.

Donc, je me suis rendu au village où tout paraissait serein comme si le diable était banni des collines de Kabylie. Pas le moindre signe qui pouvait signaler sa présence en ces lieux où la tolérance est de rigueur. Pas la moindre dispute, ni quoi que ce soit qui puisse rappeler certains caprices du Ramadan qui s’impose en maitre absolu pendant un mois lunaire.

Tout allait bien jusqu’au jour où j’assistais à une scène incroyable mais vraie ! Le diable, en chair et en os, était là sous nos yeux sans que personne ne remarque sa présence. Oui, ce que je raconte peut être confirmé par les nombreuses personnes présentes sur les lieux.

Ce jour-là, j’avais pris place entre Chavane et Ramdane, deux gars sympathiques qui ont le sens du verbiage à vous faire oublier la faim et la soif du jeûne. Nous étions plongés dans une tchatche en attendant l’appel du muézin. Chavane avait acheté une pastèque de 9 kg 300 qu’il tenait entre ses pieds, et Ramdane racontait comment il avait osé manger le Ramadan alors qu’il était sur un chantier par une journée caniculaire.

La discussion s’était élargie à d’autres personnes assises aux alentours et chacun alla de son anecdote pour mieux supporter les deux heures qui nous séparaient de la table si chère en ce mois de la repentance et du sacrifice de soi-même.

Au moment de quitter les lieux et avant de se lever, Chavane baissa la tête et fit le geste de sa main droite pour saisir la pastèque emballée dans un sachet. Ô surprise, la pastèque n’était plus là, volatilisée, subtilisée ! Dans un premier temps, nous avions cru à une plaisanterie, mais après toute une série d’investigations de la part de chacun, Chavane se sentit blessé et trahi par un vol de confiance.

Alors, il se leva, se dirigea vers un bureau tabac, acheta une boîte de chique et revint sur les lieux pour nous provoquer en envoyant chique sur chique qu’il jeta à nos pieds. Le sympathique Chavane se transforma en provocateur et s’attendait à ce que quelqu’un lui fasse la fâcheuse remarque de chiquer en pleine journée de Ramadan.

Heureusement que personne n’avait dit quoi que ce soit à Chavane qui était dans tous ses états et qui cherchait la bagarre. Cette fois-ci, la tentative du diable se limita à la cassure du Ramadan par Chavane qui s’en alla rejoindre son foyer pour se mettre quelque chose sous la dent et essayer de noyer ses déboires dans une partie de jeu de dominos.

Le lendemain, c’est un autre coup, bien plus grave celui-là, que réussira le diable. Il était midi et non pas minuit lorsque Yahia, infiltré par Satan, commit l’irréparable. Il eut la diabolique idée de perpétrer l’un des péchés capitaux dans un crime hors du commun.

Dès le premier jour de Ramadan, Yahia décida d’en finir une fois pour toutes avec son pire ennemi en lui tordant le coup. Comme si l’assassinat ne suffisait pas à calmer la colère de Yahia, il décida de manger entièrement Ramdane au vu et au su des gens du village. Quelle horreur ! 

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