AIT SAADA, mon village natal

AIT SAADA, mon village natal

Récits et Images de la lointaine Kabylie ou les Chroniques d'un terroir déchiré entre traditions et modernité.


Nuit des longs couteaux

Publié par Idir AIT MOHAND ou Matricule S/5341 sur 22 Juin 2012, 22:27pm

Catégories : #Mes articles

 

« La pire des horreurs !!! Abraham, père des religions monothéistes, a failli immoler son propre fils sur instructions de Dieu ! Le premier assassinat sur terre, remonterait à la genèse avec les deux fils d’Adam. Le tueur d’une personne est un assassin. Celui qui en tue plusieurs est un tueur en série. Quand on tue sans compter, on le fait pour raisons d’Etat et lorsque le nombre reste indéfini, on le fait pour Dieu au nom de la foi ! Non, je refuse de regarder cette abomination !!!!

Les égorgements récents ne font que remuer le couteau dans la plaie et me renvoient aux égorgements commis pendant la guerre de révolution dont certains de leurs auteurs, encore en vie, passent pour des héros. Parfois, il m’arrive de vomir l’humanité entière, à commencer par moi-même. L’animal a, au moins, le mérite de respecter son statut, pas l’homme ».  Ce commentaire, je l’ai posté suite à la lecture d’un article appuyé d’une vidéo qu’un ami à partagée sur facebook.

Pour mieux comprendre ma réaction, il faut avoir un regard d’enfant qui a subi la guerre d’Algérie d’un côté comme de l’autre. Lorsque l’école a fermé ses portes pour toujours au gamin de 12 ans que j’étais et qu’il ne me restait plus qu’à vivre les horreurs de la guerre sans la comprendre ni la juger, il est clair que le traumatisme reste vivace et la phobie du sang me poursuivra jusqu’à la fin.

Oui, durant toute mon adolescence, j’étais hanté à l’idée de recevoir un couteau sur la gorge car les égorgements étaient fréquents pendant la guerre. De mémoire d’enfant, le nain qui accompagnait la troupe de maquisards, ne portait pas d’arme, mais avait une corde et un poignard suspendus à son ceinturon. La corde touchait le sol tellement il était petit. A la djemaa, lieu de repos, il y avait du monde en ces temps où les champs étaient désertés.

- Y a-t-il quelqu’un qui chique ou qui fume parmi vous ? Disait-il de sa voix aussi acérée que son poignard.

Au début, la chique et la cigarette étaient punissables d’une amende, mais en cas de récidive, c’était le nez qui sautait, coupé à froid. Par la suite, plus d’amendes et le nez du chiqueur ou du fumeur partait à tous les coups. Les maquisards sniffaient dans les bouches des gens pour dénicher le menteur en cas de réponse négative.

Après l’interrogatoire suivi d’un prêche, le nain sort son poignard de son étui, le fait tourner et le retourner dans tous les sens avant de lancer aux pauvres gens :

- vous savez pourquoi mon poignard tremble? Si vous ne le savez pas, je vais vous le dire :

- il réclame le traître qui est parmi vous ? Allez vite ! Donnez-le-moi que je lui tranche la gorge.

Ces égorgeurs, à l’exemple du nain, étaient des volontaires pour ces actes ignobles. Leurs collègues les appelaient toujours par un pseudo suivi de « le boucher ». De plus, ils poussaient la victime à faire le choix entre la corde et le couteau. Ne supportant plus la torture, la victime finit par parler afin d’abréger sa souffrance, mais le mode exécutoire était toujours le contraire de ce qu’elle avait choisi.

Ce douloureux rappel, ne fait qu’exacerber mon sentiment de rejet d’une espèce du genre humain qui sévit à travers les quatre points cardinaux et qui continue sa progression sur le chemin du mal.

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